lundi 22 janvier 2018

Les Derniers Jours de Nos Pères - Joël Dicker




Londres, 1940. Soucieux de pallier l'anéantissement de l'armée britannique à Dunkerque, Winston Churchill a une idée qui va changer le cours de la guerre : créer une branche noire des services secrets, le Special Operation Executive (SOE), chargée de mener des actions de sabotage et de renseignement à l'intérieur des lignes ennemies et dont les membres seraient issus des populations locales pour être insoupçonnables. Du jamais vu jusqu'alors.
L'existence même du SOE a été longtemps tenue secrète. Soixante-cinq ans après les faits, Les Derniers Jours de nos pères est un des premiers romans à en évoquer la création et à revenir sur les véritables relations entre la Résistance et l'Angleterre de Churchill.





MON AVIS
Pour commencer, faisons simple : j’adore découvrir de nouveaux romans se déroulant durant la 2GM, de lire de nouvelles visions, points de vu et histoires concernant cette période du XXème siècle. Et ne pas oublier. Surtout ne jamais oublier. Voilà, les bases sont posées.

Je dois aussi avouer que le petit bandeau rouge indiquant un roman de Joël Dicker m’a effectivement interpellée. (Et ben oui, le marketing, ça fonctionne bien !)

Donc comme vous pouvez vous en douter, ce roman se passe au moment de la Seconde Guerre Mondiale, lors de l’invasion des Allemands en France jusqu’à sa libération et les diverses conséquences que celle-ci a pu avoir sur les protagonistes. L’action se déroule ici dans deux pays différents : la France et le Royaume-Uni.

L’auteur, dans son premier roman primé, pour lequel il a reçu le Prix des écrivains genevois en 2010, fait découvrir au lecteur, un service peu connu du grand public : le SOE, les Special Operations Executive, soit les services secrets britanniques qui ont entraîné des agents spéciaux de différentes nationalités pour qu'ils puissent infiltrer leur propre pays et lutter contre les envahisseurs allemands. Ici, on suit la section F, pour la section française de ces services secrets.

Intéressée par le sujet inhabituel, le lecteur suit le destin « brisé » de ces jeunes européens, français, britanniques d’origines françaises ou québécoises, qui se sont levés contre la tyrannie et l’injustice quand personne d’autre ne pouvait ou ne souhaitait se comporter comme des Hommes. Les conduisant parfois à commettre l’irréparable. Pour le plus grand bien. Ou pas.

Le terme « d’Homme » revient inlassablement tout au long du roman comme un film conducteur à cette fatalité de la guerre. Sommes-nous et serons-nous toujours des Hommes après ces atrocités ?

J’aime à croire qu’il y a un fond de vérité, et que ces personnages inconnus ou méconnus, résonnent avec la vie de ces gens réels qui ont vécu ces temps difficiles.

Les protagonistes principaux sont réels. Réels et vrais. Je ne sais comment le décrire autrement. Ils sont vrais dans leurs désillusions et leurs espoirs, leurs qualités et leurs défauts, leurs réussites et les échecs, leurs vertus et leurs pêchés.

Le plus dur, finalement dans ce roman, c’est de ne pouvoir être en colère contre aucun grand « méchant » de l’histoire. Nous ne pouvons blâmer que des Hommes qui sont devenus des hommes et des femmes, tout leur humanisme envolé.

Nous suivons très clairement l’histoire de cette section française du SOE, éclairée parfois par certains personnages Allemands : « les méchants ». (J'utilise le terme "méchant" à défaut d'en trouver un plus approprié et par simplicité.) Qui à cause de leur foi en leur patrie et en leurs dirigeants ont accompli les actions horribles que nous connaissons et qui nous révoltent aujourd'hui. Par lâcheté très souvent, et pour la plupart, rarement par plaisir.  

Joël Dicker rappelle un fait important à son lecteur que tous les Allemands n’étaient pas Nazis et ne prenaient pas plaisir dans les atrocités de guerre. Beaucoup d’enrôlés Allemands étaient aussi de jeunes hommes tout juste sortis de l’adolescence. Des adolescents faisant la guerre contre et à d’autres adolescents. La guerre, peu importe qui l’a fait, est toujours plus complexe que le simple manichéisme « bien » contre « mal ». Après tout, l’Histoire est toujours écrite par les vainqueurs, et pour gagner les vainqueurs n'agissent pas toujours justement non plus.

Le pire dans ce roman, c'est quand tu sens le drame venir. Tu le sens venir, inéluctablement et tu sais que cela va être un carnage, que ton petit cœur tout fragile aura du mal à s’en remettre. Mais tu sais aussi que cela doit arriver parce que c’est une fatalité. Parce qu'une guerre n'est pas un roman et ne doit pas être romancée pour lui donner une belle et héroïque apparence. Parce que dans le meilleur des mondes, il n’y aurait pas de drames et encore moins de guerres. Mais que ce meilleur des mondes n’existe pas et que le drame arrivera que tu le veuilles ou non. Et surtout, tu ne peux t’empêcher de continuer, parce que tu veux découvrir l’histoire extraordinaire de ces gens ordinaires, de ces gens, humains avant tout, comme toi et moi, qui n’ont rien demandé à personne et qui ont décidé de se battre pour ceux qui ne veulent ou ne peuvent le faire. De se battre pour ce qu'ils croient être juste et bien. Et je voulais continuer à découvrir cette si terrible, époustouflante et belle histoire.

Premier roman de Joël Dicker, je pense que vous l’aurez compris, je l’ai beaucoup aimé. Bien plus que La Vérité sur l'Affaire Harry Québert  ou La Famille des Baltimore (bien que ce soit des styles et des genres très différents, je n'ai pas été emportée de la même manière, avec la même intensité). J’aime toujours lire ces romans fondés sur cette partie de notre Histoire si dramatique et terrible. Parce qu’il ne faut jamais oublier d’où l'on vient et ce qu’il pourrait toujours arriver. Il peut être justement difficile d’écrire un roman sur quelque chose de si terrible que l’on n’a pas vécu ou même de l’appréhender correctement blotti au chaud chez soi, mais Joël Dicker nous sert un roman brillant, complexe et solide. La plume de l'auteur ici fait des merveilles pour retranscrire les émotions pures, brutes et contradictoires des protagonistes. Et je ne peux compter le nombre de fois où mon cœur a battu la chamade avec eux, où mon cerveau s'est demandé quelle décision prendre face à leur choix cornélien.


Le + : Le cadre historique, le style de l'auteur, l'histoire et les personnages
Le - : /


MA NOTE


Je vous partage quelques passages du roman. Juste pour la beauté du texte:


"Le courage, ce n'est pas de ne pas avoir peur : c'est d'avoir peur et de résister quand même."

"[...] l'indifférence ne se combat pas, ou alors difficilement. L'indifférence est la raison même pour laquelle nous ne pourrons jamais dormir tranquilles; parce qu'un jour nous perdrons tout, non pas parce que nous sommes faibles et que nous avons été écrasés par plus fort que nous, mais parce que nous avons été lâches et que nous n'avons rien fait. La guerre, c'est la guerre. Et la guerre va te faire prendre conscience des plus terribles vérités. Mais la pire de toutes, la plus insupportable, c'est que nous sommes seuls. Et nous serons toujours seuls. Les plus seuls des seuls. Seuls à jamais. Et il faudra vivre quand même."

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire